Le partage de la valeur générée par les données est un point crucial

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Faciliter la coopération par les données au sein d’écosystèmes d’acteurs qui peuvent être des entreprises, des acteurs publics ou encore des usagers est la raison d’être de NEWMERIC, société de conseil en stratégie de communs numériques. Nous avons interrogé Caroline Alazard présidente et co-fondatrice, sur la question du partage de la valeur générée par les données.

La question du partage de la valeur générée par les données est-elle un point crucial ?

Oui et c’est la raison pour laquelle nous nous appuyons sur le nouveau modèle de l’Économie Circulaire de la Donnée dont nous sommes à l’initiative. Le modèle se traduit de façon opérationnelle par la mise en place de Communs de Data Intelligence. Ce Commun permet à plusieurs contributeurs de partager leurs données sans se départir de leurs droits et responsabilités, pour produire de la connaissance réutilisable par chacun de manière singulière. Un des intérêts du modèle est qu’il permet de protéger des données sensibles en ne les rendant pas accessibles, même si elles sont utilisées pour produire de la connaissance partagée.
L’Économie Circulaire de la Donnée s’appuie sur quatre principes :

  • La mise en place de boucles d’apprentissage en développant un patrimoine commun de connaissances qui s’enrichit de nouvelles données et connaissances à mesure qu’il est pratiqué par chaque contributeur.
  • L’utilité (la réponse à un besoin/enjeu dans le mode réel) en utilisant les connaissances produites en commun pour (ré)générer des impacts positifs.
  • La co-expansion en alliant contribution et réciprocité, c’est à dire en créant plus de richesses collectives, économiques et sociétales, dont chacun pourra retirer sa part.
  • L’éco-conception en recherchant la mutualisation de moyens numériques pour en réduire l’empreinte.
Quels sont à la fois les enjeux et les constats que vous avez identifiés ?

Nous voyons bien que la transformation numérique se nourrit de la mise en données du monde. Cette spécificité du numérique fait émerger une datasphère, qui nous fait entrer dans une économie fondée sur les données.
Plutôt que de voir cela comme une menace, nous y voyons une chance pour apporter et faire converger les réponses aux deux ruptures majeures de notre époque : d’une part, la rupture technologique (Intelligence Artificielle, Internet des Objets), et d’autre part, la rupture écosystémique et ses conséquences sociales (changement climatique, perte de biodiversité, limites planétaires).
Dans ce contexte, le partage et la réutilisation des données en écosystème joue un rôle central pour résoudre des défis de plus en plus complexes dont personne ne détient seul la solution.
Pour autant, ouvrir ses données n’est pas simple et ne peut pas se résumer à la mise en place d’infrastructures techniques sécurisées. Le cadrage stratégique (pourquoi et pour faire quoi), le partage équitable de la valeur créée (pour quoi) et la co-gouvernance des données partagées (comment), deviennent des enjeux décisifs. Aujourd’hui ces enjeux sont insuffisamment adressés dans des approches verticales chaine de valeur. Plus encore dans des approches horizontales (entre chaines de valeur) alors que c’est là que se situe le plus gros potentiel d’innovation.

Quelles sont les tendances en matière de partage de la Donnée ? Est-ce que la démarche émerge tout juste ou bien est-elle en développement ?

La Donnée est l’ingrédient de base du numérique et des nouvelles technologies comme l’IA. Elle doit aussi devenir l’ingrédient d’une innovation durable et d’une transformation positive du système économique. L’Économie Circulaire de la Donnée répond à la double nécessité de partager ses données avec d’autres et d’organiser collectivement leur partage et leur valorisation.
Côté acteurs publics, il y a bien-sûr la proposition du Parlement Européen et du Conseil sur la gouvernance européenne des données (Data Governance Act – DGA) qui vise à faciliter la circulation des données publiques, industrielles et personnelles tout en garantissant aux particuliers et entreprises un meilleur contrôle sur les données qu’ils génèrent. Ce texte doit contribuer à poser les bases d’un modèle pour l’Europe numérique, fondé sur la confiance.
Plusieurs initiatives voient aussi le jour, émanant d’acteurs privés. La plus récente est celle du Forum Mondial de Davos 2021 qui a lancé « Data For Commun Purpose Initiative ». L’objectif affiché est d’accélérer la transition vers l’économie « data-driven » avec un nouveau cadre de gouvernance de la Donnée,en alliant recherche de performance économique et contribution au bien commun.
Cette initiative de Davos n’est pas isolée. Je pourrais aussi citer Data Collaboratives (US), Open Data Institute (GB), et plusieurs initiatives territoriales comme celle de Rennes (avec le projet RUDI).

Avez vous un exemple d’application de l’Économie Circulaire de la Donnée dans le domaine de l’assurance ?

Avec une santé de plus en plus connectée, on pense naturellement aux données de santé dont la quantité et la diversité sont en très forte augmentation. Le Dossier Médical Partagé (DMP) vise à centraliser les données individuelles au sein d’un carnet de santé numérique. Toutes ces données, en  étant agrégées, peuvent venir utilement alimenter des projets de recherche scientifique ou permettre d’identifier de nouveaux besoins. Pourquoi ne pas permettre aux mutuelles de santé, sous le contrôle de la CNIL, de mettre en place ce que nous pourrions appeler des « mutuelles de données » dont le fonctionnement serait calqué sur la gouvernance démocratique qu’elles pratiquent déjà ? Le modèle du Commun de Data Intelligence permettrait à chaque sociétaire de se voir expliquer les enjeux et de maitriser l’usage et la destination de ses données, libre à lui de participer ou pas.
La proposition de DGA offre une base juridique à ce type de modèle. En effet, le règlement prévoit de « permettre l’utilisation  de données à caractère personnel avec l’aide d’un « intermédiaire de partage de données à caractère personnel », conçu pour aider les personnes physiques à exercer leurs droits au titre du règlement général sur la protection des données (RGPD) ». Il faut noter que parmi ces intermédiaires, la proposition européenne distingue les « organisations altruistes en matière de données » qui agissent « sans demander de contrepartie » « à des fins d’intérêt général, telles que la recherche scientifique ou l’amélioration des services publics ». En d’autres termes, il s’agit de faciliter la mise à disposition volontaire des données des particuliers ou des entreprises, pour un progrès collectif.
Jean-Luc GambeyVovoxx

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