Entretien avec Vanessa Le Noane

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Vanessa Le Noane, Directrice de Stella Patrimoine dans le cadre du #3 magazine* “Dessine-moi la Gestion de Patrimoine ” répond à nos questions.

Quelle est votre perception des changements climatiques ? L’appréhendez-vous dans votre activité ? Mais avant tout, est-ce une préoccupation pour vos clients ?

Cela commence à le devenir, ou plutôt c’est une vraie préoccupation des jeunes. Les anciennes générations y sont sensibles aussi, mais je constate chez elles un phénomène de lassitude dans la mesure où elles en ont assez, dans de nombreux discours, d’être tenues pour responsables des problèmes écologiques.

Le changement climatique est réel, cela ne fait aucun doute et les enjeux de transitions énergétiques sont importants, mais est-ce une raison pour culpabiliser les seniors en jugeant leur comportement a posteriori à partir de nos connaissances actuelles ? Ce côté moralisateur me dérange car il crée, dans une situation qui reste socialement difficile, une fracture intergénérationnelle.

Est-ce que le risque de greenwashing constitue pour vous un frein ?

Oui, cela me préoccupe, car je pense qu’il y a beaucoup de duperies autour de ce que l’on nomme la finance durable et responsable. Le marquage ISR ou ESG n’est pas à mon avis toujours justifié et encore moins transparent. Le sujet mérite, à mon avis, d’être mieux travaillé en prenant plus de recul et de hauteur. En effet, certaines énergies, comme le nucléaire, très décriées, semblent

bénéficier aujourd’hui d’un retour en grâce par rapport aux énergies fossiles. Les éoliennes, tant vantées, poseraient des problèmes de pollution dès leur construction mais aussi au moment de leur recyclage. Quant aux panneaux solaires, ils seraient composés de produits toxiques. Enfin, si l’utilisation d’internet donne parfois bonne conscience, nous savons à présent qu’elle n’est pas forcément tenable à moyen terme compte tenue de l’énergie dévorée par les serveurs. Cette transition écologique sera, à mon avis, longue et compliquée. Les autorités et nos fournisseurs doivent laisser un peu de temps au temps. J’essaie à mon niveau de me documenter.

Donner un sens à son épargne, est-ce, selon votre expérience, suffisant pour amener les épargnants à investir dans les fonds de finance durable et responsable ?

Pas complétement. Donner un sens à son épargne, connaître la nature réelle des investissements financiers, sont en effet des attentes souvent exprimées par les trentenaires depuis une dizaine d’années. Mais le passage à l’acte est plus difficile. Car si tout le monde veut œuvrer pour la planète, tous ne sont pas encore prêts à prendre des risques à court terme et à supporter la volatilité d’un placement orienté sur l’investissement durable en actions, dont les échelles de risques se situent dans la fourchette la plus haute de 5 et 7. Vouloir être plus responsable sur ses placements est une chose mais être capable d’encaisser un choc de 20 points de baisse pendant un mois sur son portefeuille en est une autre. Beaucoup reculent. A ce niveau, les normes Disclosure vont rajouter de la complexité que nous allons devoir expliquer, une fois de plus, aux clients.

Sur l’immobilier, placement patrimonial par excellence, quels sont les problèmes rencontrés par vos clients ?

L’immobilier neuf, déjà cher dans certaines grandes villes, a vu ses prix continuer à grimper par le biais de plusieurs facteurs. Avec la pandémie, on a assisté à l’augmentation du prix des matières premières due à la pénurie, et, avec la transition écologique à une hausse des coûts de construction liée à l’augmentation des normes énergétiques. Ainsi, devant l’impossibilité d’accéder financièrement aux logements neufs, les investisseurs se sont réfugiés sur le marché de l’ancien, entrainant une croissance significative du prix du marché de l’immobilier. Le premier problème est donc son accessibilité. Investir dans la pierre n’est plus donné à tout le monde et se loger devient tout simplement compliqué.

Par ailleurs, les actifs immobiliers sont aujourd’hui de loin les plus taxés tant sur leurs revenus, a minima à 17,2 % au titre des prélèvements sociaux et à la tranche marginale d’imposition, que sur leur valeur patrimoniale puisque l’ancien impôt sur la fortune ne repose plus que sur eux avec l’Impôt sur la fortune immobilière. De plus en plus, la sécurité coûte cher et effrite la rentabilité de l’immobilier. Aussi, les investisseurs s’interrogent sur

l’intérêt de conserver leurs actifs dans la durée. La deuxième difficulté est donc l’érosion de leur épargne. Enfin, la transition énergétique exige une mise aux normes des anciens logements en location. Or, tous les bailleurs ne sont pas nécessairement fortunés. Certains seront contraints de vendre. La troisième difficulté est donc la conservation de son patrimoine immobilier.

*ITW du magazine « Dessine-moi la Gestion de Patrimoine », production Vovoxx, en Janvier 2022, que vous pouvez télécharger gratuitement et sans laisser de datas. Le #4 de ce magazine est prévu pour Mai/Juin 2022.

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