Assurance vie épargne : quelles tendances d’ici la fin de l’année ?

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Tribune de  Jonathan ABIZMIL, Senior Manager Actuariat Conseil chez Nexialog Consulting.

Dans un contexte économique tendu avec des taux obligataires restés durablement bas, les assureurs ont su faire preuve ces dernières années de résilience.

Cependant, leurs actifs étant majoritairement constitués d’obligations, la dilution des rendements a entrainé l’érosion des taux servis sur les fonds euros pour atteindre une moyenne de 1,28% net en 2021. S’en est suivie une forte remontée des taux, amorcée depuis fin 2021, couplée à un marché actions très volatile.

La tendance aujourd’hui est à un ralentissement de la collecte en assurance vie. Malgré un bon premier semestre 2022, nous observons une décollecte sur le mois d’août avec une baisse de 15% des versements par rapport au mois d’août 2021.

En parallèle, les livrets réglementés profitent de la remontée des taux. Leur collecte bat même un record absolu sur ce mois d’août avec 4.5 Mds d’euros, grâce à un rendement porté depuis le 1er août à 2%. Toutefois, l’attentisme actuel des épargnants s’explique également par le contexte économique incertain.

L’attrait des unités de compte (UC) reste quant à lui important et représente environ 40% de la collecte depuis le début de l’année (contre 39% en 2021), avec une perspective de diversification et un couple rendement/risque plus important. La tendance reste à suivre sur cette fin d’année car très disparate selon les catégories d’assurés (mass, mass affluent, affluent, ou patrimoniaux) et historiquement corrélée au niveau du CAC 40.

Du coté des produits de retraite, le PER introduit par la loi PACTE enregistre des records et contraste avec l’assurance vie : les cotisations sur le PER assurantiel s’élèvent à 535 millions d’euros, en hausse de +45 % par rapport à août 2021. De plus, ce produit applique par défaut une gestion pilotée, sauf mention contraire de l’assuré : les versements sont affectés selon une allocation entre les différents supports permettant de réduire progressivement les risques financiers.

Ainsi, pour l’assureur, la collecte et les encours sont plus facilement orientés vers les unités de compte qui sont plus rémunératrices et moins consommatrices en fonds propres pour l’assureur, donc plus rentables. Pour inciter l’assuré à épargner autrement qu’en allouant 100% en fonds en euro, certains assureurs étudient l’ajout d’une garantie sur une partie du capital alloué sur des UC. Dans l’étude Alternative au fonds en euros, les experts de Nexialog Consulting ont analysé le coût d’une telle protection dans le contexte du PER et ont montré qu’une légère surperformance des UC peut suffire pour battre le fonds en euros, après prise en compte du coût de la garantie.

La fin d’année placée sous le signe de la réforme des retraites par le gouvernement, avec un système qui montre ses limites, va également dans le sens d’un marché des produits de retraite encore timide. Les épargnants sont déjà sensibilisés sur la nécessité de se constituer une épargne de précaution supplémentaire pour la retraite mais le dispositif reste complexe et souvent incompris. Aujourd’hui pour les assureurs positionnés sur le segment, les produits de retraite en général (dont le PER) constituent un fort relais de croissance mais n’est pas pleinement exploité. A tel point que quelques fintechs et assurtechs se positionnent sur le segment avec comme principaux critères différenciants :

  • Parcours client (pédagogique et digitalisé),
  • Offre financière (private equity, ETF, robo-advisor…)
  • Critères environnementaux et labellisation des investissements.

Quelles tendances sur les rendements des fonds euro en fin d’année ?

Face à la décollecte observée depuis la hausse des livrets réglementés, le risque de rachats massifs en cas de décrochage des taux servis en fin d’année existe. Les assureurs vont donc potentiellement activer certains leviers, en augmentant par exemple le taux servi, en utilisant les fonds mis de côté en cas de besoin via la provision pour participation aux bénéfices (PPB).

Cette réserve, constituée à discrétion par l’assureur en fonction de sa politique de gestion et de son positionnement en termes de taux servis, doit être par la suite redistribuée sous 8 ans d’après la législation. Tous les assureurs n’ayant pas les mêmes niveaux de réserves (certains n’en conservant par politique quasiment pas), il est probable que l’écart entre les taux servis observés entre assureurs soit plus important encore que les années précédentes et alimente la concurrence déjà accrue depuis le renforcement de la transparence des frais (Renforcement de la transparence des frais du plan d’épargne retraite (PER) et de l’assurance vie, arrêté du 2 février 2022).

A noter qu’en pratique, appliquer cette mesure sur un groupe de contrats est également possible, pour favoriser les contrats les plus rentables : favoriser de +0.5% le rendement des contrats ayant plus de 50% d’UC est par exemple envisageable.

Les assureurs vont aussi devoir tenir compte d’un autre facteur dans l’équation : il s’agira de maintenir un certain niveau d’attractivité pour conserver une collecte permettant d’améliorer le rendement du stock obligataire actuellement en portefeuille et suivre ainsi la hausse des taux.

Un risque de redirection de l’épargne des fonds euros existe, qui peut tout de même être tempéré par plusieurs facteurs :

– L’assurance vie ne se résume pas aux fonds en euros, la grande majorité des assurés utilise cette enveloppe fiscale pour des fins de diversification (UC : SCPI, OPCVM etc., Eurocroissance), de fiscalité et de succession ;

– En dernier recours, le Haut comité de stabilité financière est habilité depuis la loi Sapin 2, à différer les rachats en assurance-vie sur une période pouvant aller jusqu’à six mois ;

– Près d’un tiers des livrets réglementés sont déjà au plafond.

L’Eurocroissance dans le rétroviseur

Mis en place en 2014 et remaniés avec la loi PACTE, les fonds croissance ont connu un début difficile mais séduisent de plus en plus les épargnants. A mi-chemin entre l’euro classique et les UC, ces fonds hybrides proposent une garantie en capital (généralement partielle) au terme d’une durée de détention minimale (8 ans au minimum), avec des perspectives de rendements plus élevées que les fonds euro.

Preuve en est, sur le 1er semestre 2022, les encours sont en hausse de 44% sur 1 an à 5,4 milliards d’euros avec comme objectif de devenir le troisième pilier incontournable de l’assurance vie aux côtés du fonds euro et des UC. Beaucoup d’assureurs ne disposent pas de fonds croissance, principalement pour des raisons de coûts de mise en place IT et du contexte de taux bas. La hausse des taux peut constituer une bonne porte d’entrée aujourd’hui pour les assureurs qui ne sont pas encore positionnés sur ce segment, à condition de bien accompagner les réseaux distributeurs.

Ce sujet vous intéresse ? Les experts de Nexialog Consulting et plusieurs intervenants débattront le 13 octobre 2022 lors d’une table ronde Inflation et hausse des taux : quels impacts pour les assureurs, quelles actions envisagées ?  à l’Hôtel George V Paris, de 8h30 à 10h.

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