Eric Mignot et la transformation de l’assurance

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Eric Mignot répond à nos quelques questions.
La transformation de l’entreprise est probablement assez protéïforme. Il peut s’agir de la transformation de sa gouvernance ou de son organisation, de son rôle sociétal et environnemental, de la dimension produit et servicielle, des systèmes d’information et de l’intégration des nouvelles technologies, de la distribution et la relation clients, de la mutation/hybridation des compétences, du modèle économique,… . Dans notre secteur « se transformer », selon vous est-ce seulement changer, évoluer, s’adapter, ou devenir autre chose, devenir autre ? Pourquoi ?

20 ans de nomadisme professionnel m’ont permis de découvrir différentes industries : les télécoms, les utilities, la banque et l’assurance. Deux d’entres elles ont subi des transformations radicales : les télécoms et la banque. C’est armé de cette expérience que j’ai découvert l’industrie de l’assurance en 2010. J’ai tout de suite été frappé par deux choses : la toute puissance de la fonction « souscription » et le manque de « customer centricity ». D’autre part le leçon que j’ai retenue des transformations radicales observées dans les télécoms et la banque est que les deux leviers puissants de cette transformation sont d’une part la technologie et d’autre part l’intimité client. Qui sait par exemple que les premiers « data scientists » ayant développé les scorings des entreprises de crédit à la consommation ont ensuite exercé leur art chez les opérateurs téléphoniques ?
Technologie et intimité client sont justement deux « maillons faibles » de l’industrie de l’assurance (je me souviens d’avoir entendu parlé des « gars de l’IT et des nanas du marketing » avec une certaine condescendance …). Trois inerties se conjuguent pour freiner la transformation de l’industrie. D’abord une inertie technologique, la fameuse « legacy ». Notons que toutes les industries sont ou ont été confrontées au même phénomène. La particularité de l’assurance est le faible pourcentage du chiffre d’affaires consacré à la technologie (environ 3.5% d’après plusieurs benchmark globaux contre 9 à 10% dans la banque par exemple). La seconde inertie est sociale. Les effectifs dans l’assurance ont été  stables au cours des 10 dernières années pour un chiffre d’affaires qui a progressé de 3.8% au cours de 6 dernières années et avec un âge moyen de 42 ans. On en déduit donc que les gains de productivité ont été modestes et que l’impact technologique peut donc être particulièrement spectaculaire dans la transformation de l’emploi du secteur. Enfin la dernière inertie est culturelle. L’assurance en général et l’assurance française en particulier délivrent une rentabilité avec la régularité d’un métronome (8% de rentabilité sur fonds propres au cours des 6 dernières années). Dans ces conditions pourquoi renverser la table ? « Why fix it if it’s not broken » comme aimaient à la répéter les anglo-saxons ?

Pour vous la transformation d’une entreprise est-elle un processus fini et planifiable, ou un mouvement perpétuel ? Pourquoi ?

C’est un peu l’effet de la fusée au décollage qui nécessite une énergie considérable et une progression très peu spectaculaire dans les premiers instants avant de prendre progressivement de la vitesse. Cela se traduit également par beaucoup de tension lorsque ce nouveau mouvement se frotte aux inerties mentionnées précédemment jusqu’à ce que la rupture advienne et que la transformation puisse prendre de la vitesse. Cela demande du courage et de l’exemplarité de la part des dirigeants qui seront systématiquement critiqués pour avoir initié ce mouvement, comme ils le seront également également s’ils n’ont rien fait lorsque que l’on s’apercevra qu’il est trop tard (mains sans doute que ces derniers profiteront alors d’une paisible retraite …). Je connais de grands dirigeants de l’assurance qui sont courageux et exemplaire (certains font partie des « 50 transformers »).
Il est plus facile de mener cette bataille sans se confronter aux inerties et c’est le choix que nous avons fait avec +Simple : construire un actif neuf centré sur la technologie et la connaissance client et au service de l’industrie. Même si l’aventure entrepreneuriale n’est pas de tout repos, c’est sans doute « plus simple » 😉 !

Vous faites partie des 50 transformers* du secteur de l’assurance. Les professionnels ont probablement signifié votre capacité à porter des convictions, donner de nouvelles directions, à initier/piloter des transformations, à incarner le mouvement … . D’un point de vue professionnel, quels sont les ingrédients indispensables à la transformation d’une entreprise du secteur de l’assurance ? Pourquoi ?

« Qui trop embrasse, mal étreint ». Lorsqu’on crée une startup il faut des partis-pris tranchés qui vous donne le droit (ou pas) d’exister. +Simple a misé sur la combinaison à parts égales de la technologie, de l’intimité client et du « métier assurance ». C’est parce que nous sommes trois dirigeants complémentaires (avec mes associés Anthony Jouannau et Salah Hamida) avec des équipes compétentes et complémentaires que nous parvenons à faire vivre cette singularité. La technologie et le client sont véritablement au cœur de notre modèle , de notre gouvernance, de notre stratégie, de notre modèle économique, …
Ensuite, nous pensons que la nouvelle manière de travailler est de s’inscrire dans un monde ouvert, connecté, en « écosystème ». C’est pour cela que nous ne sommes pas un disrupteur qui vise la « destruction créatrice » mais plutôt une collaboration avec les acteurs traditionnels et les nouveaux acteurs émergents dans chaque industrie pour accompagner la transformation de notre métier. Nous sommes partenaires aussi bien de Meero que de Gras Savoye ou de MAIF ou encore des courtiers de proximité.

Pour conclure ?

J’ai mis sur le papier toutes les idées et la vision de l’industrie derrière l’aventure +Simple dans un ouvrage intitulé « Ne tirez par sur l’assurance, l’industrie de la confiance doit retrouver son sens » aux Editions Débats Publics. Si vos lecteurs veulent challenger et débattre de ces idées, je suis à leur écoute !
Ndlr : vous pouvez écouter le podcast très récent avec Eric Mignot « Ne tirez-pas sur l’Assurance « 
Réalisé le 24/06/2021 – Jean-Luc GambeyVovoxx

*Eric Mignot est dans la communauté des 50 “Transformers” de l’Assurance.
 
 

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