La sélection médicale ; nouveau champ de bataille pour les assureurs

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La guerre entre les établissements bancaires (ou à tout le moins certains d’entre eux) et les assureurs « délégataires » est sur le point de s’achever sur une victoire des seconds sur les premiers. La résiliation annuelle est en effet presque adoptée. Elle a franchi l’étape de la commission à l’Assemblée nationale et ne devrait pas être retoquée en séance. Nous employons cependant le conditionnel, car dans le domaine de l’emprunteur, nous ne sommes jamais à l’abri de surprises de dernière minute tant le sujet est sensible.

Le dossier emprunteur sera-t-il définitivement refermé. Pas sûr. Car après la libéralisation du marché, il semblerait qu’un autre dossier prenne le relais : celui de la sélection médicale.

Le Crédit Mutuel à l’offensive

Tous les assurés qui ont été victime d’une longue maladie et, par voie de conséquence, subissent ou ont subi une discrimination à l’assurance prévoyance seront sensibles à l’évolution de ce sujet. Car même si la convention Aéras existe et qu’elle fonctionne, la quête de l’assurance reste complexe. Conscient de cette situation, le Crédit Mutuel a décidé tout récemment de faire de la sélection médicale un argument commercial fort en supprimant le questionnaire de santé pour ses clients. Le groupe bancaire y émet cependant quelques conditions : avoir domicilié ses revenus principaux depuis 7 ans à la banque, ne pas dépasser 500 000 € de capitaux assurés par emprunteur et être âgé de moins de 62 ans lors de la souscription. A noter cependant que les clients déjà titulaires d’une assurance emprunteur au Crédit Mutuel, et répondant à ces conditions, verront leurs surprimes et exclusions supprimées à partir du 1er décembre 2021.

La démarche du Crédit Mutuel a fait grincer quelques dents. Mais elle a le mérite de mettre en avant la question des méthodes de sélection médicale en assurance emprunteur et plus généralement dans les contrats de prévoyance, au regard, entre autres, des progrès de la science. Il y a en effet des exclusions, voire des surprimes, parfois « étonnantes » appliquées dans certaines situations et qui mériteraient un débat entre les médecins des patients et ceux des organismes assureurs.

Les sénateurs valident le principe

Vendredi 19 novembre, le Sénat s’est emparé du sujet en adoptant un amendement permettant la création de nouveaux contrats d’assurance dits « inclusifs », souscrits en garantie d’un emprunt professionnel ou pour l’acquisition d’une résidence principale. Ces contrats seraient accessibles sans sélection médicale et bénéficieraient d’un avantage fiscal avec une taxation réduite. Ces nouveaux contrats permettraient à la fois de réguler un marché très concurrentiel tiré par les prix bas qui met fortement à mal le principe de mutualisation au profit d’une ultra-sélection des risques et de faciliter l’accès à l’assurance indiquent les sénateurs à l’origine de l’amendement. Et de poursuivre : « de nombreux candidats à l’emprunt subissent des refus, des exclusions de garanties et des surprimes très importantes pour des raisons de santé. On constate ainsi une trop forte proportion de dossiers sur-primés venant alimenter un secteur hautement bénéficiaire avec un ratio sinistre sur prime de 60 % ».

On remarquera que cette proposition de loi contient également un chapitre sur le droit à l’oubli des pathologies cancéreuses et sur l’évolution de la grille de référence de la convention AERAS.

L’amendement anti-sélection médicale a, certes, été adopté contre l’avis du gouvernement. Mais le combat pourrait se poursuivre, sous d‘autres législatures. Il y a quelques années, ne l’oublions pas, l’Exécutif ne voulait pas entendre parler de libéralisation du marché de l’emprunteur, puis de résiliation dans les ans, puis tous les ans à échéance. Trop de questions se posent sur la sélection médicale pour que le dossier ne poursuive sa route

Sur ce nouveau champ de bataille, les ennemis d’hier bancassureurs et assureurs délégataires pourront, soit faire alliance face à de nouveaux entrants, assurtech par exemple, soit se déchirer de plus belle. Après tout, n’est ce pas un bancassureur qui vient d’ouvrir le bal des hostilités.

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