La santé mentale des Français en berne

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Réalisé par Opinion Way à la demande des mutuelles MGEN et Solidaris, le baromètre « Confiance & Bien-être[1] » sonde les Français sur leur rapport à la société, au travail et à la santé. Publié le 1er décembre, il fait valoir des résultats contrastés. Si l’indice global de confiance a retrouvé son niveau d’avant-crise, la santé mentale des Français apparaît pourtant au plus bas : 32,6% des sondés évaluent leur vie négativement. De quoi alimenter le débat sur la prise en charge de la santé mentale alors que le Projet de Loi de Financement de la Sécurité Sociale (PLFSS) 2022, prévoyant un forfait de consultations, a fait l’objet dès son adoption d’une saisine du Conseil Constitutionnel.
Progression de l’indice global de confiance

Etabli sur une échelle de 0 à 100, l’indice global de confiance et bien-être des Français progresse à 56,9 points contre 55,5 points en 2020. Le seuil des 56,5 points, atteint en 2016, est dépassé : l’indice a ainsi retrouvé son niveau d’avant-crise sanitaire. Dans le détail, la quasi-totalité des critères mesurés affichent une progression : conditions objectives de vie, qualité du relationnel, santé physique, image de soi, rapport à la société…

Cette hausse ne saurait cependant masquer des niveaux fortement contrastés : si la santé physique, les conditions de vie et la qualité du relationnel recueillent entre 57 et 65 points, le « rapport à la société » reste cantonné à 32,6 points. Il est à noter que si la population féminine a vu son indice progresser de 2,6%, ce dernier reste inférieur à l’indice global (54,7 points contre 56,9). En segmentant les générations, il est à noter que l’indice atteint ses meilleurs résultats chez les jeunes de moins de 40 ans (59,6, en hausse de 3,6%) et les seniors (57,8, en hausse de 4,8%). Il recule au contraire parmi les 40-59 ans (52,3, en baisse de 1,5%).

En fin de compte, un seul critère marque une baisse significative : celui de la santé mentale qui régresse à 60,7 points contre 62,1 points en 2020. De quoi confirmer la mise au premier plan de cette question, alimentant de plus en plus les débats depuis l’émergence de la crise sanitaire.

Un effritement général de la confiance envers les institutions

Les crises sanitaires, financières et sociales vécues ces dernières années ont laissé des traces. A 5 mois des prochaines élections présidentielle et législatives, le rapport de confiance dans les institutions reste très bas :

  • moins d’un Français sur trois pense que la démocratie fonctionne très bien en France (30,9%), soit six points perdus en un an.
  • seuls 23% ont confiance dans leurs gouvernants politiques pour tenter d’améliorer leur qualité de vie.

Cette défiance ne touche pas seulement le monde politique mais également les grandes institutions pesant au quotidien sur notre société :

  • 19,2% des Français ont le sentiment que les grandes banques et compagnies d’assurance agissent pour améliorer leur quotidien
  • 24% pour la presse et les journalistes (c’est le chiffre le plus bas depuis six ans)
  • 27,2% pour les institutions religieuses (représentants des églises, mosquées, synagogues…)
  • 28,4% pour les syndicats ;
  • 29% pour les grandes entreprises.

Les sondés ont également exprimé à hauteur de 71,7% leurs inquiétudes relatives à la dégradation de l’environnement, cette inquiétude ayant progressé de 3 points en un an. La seule institution semblant échapper aux foudres des Français est visiblement le système de santé, durement éprouvé pendant la crise sanitaire, puisque 67,9% le jugent d’excellente qualité.

Interrogé par les commanditaires du baromètre, le sociologue Michel Wieviorka, directeur d’études à l’École des Hautes Etudes en Sciences Sociales, livre son éclairage : « Ces résultats témoignent d’une sorte de rétraction des personnes sur elles-mêmes, la fragmentation ou ‘’l’archipélisation’’, c’est aussi une sorte de repli plus ou moins anxieux. Et ces chiffres n’indiquent pas une réelle capacité à se projeter vers l’avenir. Les contradictions indiquent plutôt une accoutumance ou une adaptation qui n’empêche pas le stress et les inquiétudes. »

Le président du groupe MGEN Matthias Savignac, établit un constat similaire : « La confiance dans certaines institutions continue de s’abîmer et de peser sur le moral des Français. Et leur santé mentale reste fragilisée par les effets de la crise sanitaire qui perdurent : incertitudes et préoccupations sur la santé pour soi et pour ses proches, et l’avenir. » 

La santé mentale au plus bas

En effet, les résultats les plus alarmants de ce baromètre touchent à la santé mentale de la population, au plus bas depuis six années d’enquêtes similaires. Sur l’échelle de CANTRIL[2], un tiers des Français (32,6%) évalue sa vie négativement. 19,9 % d’entre eux indiquent ressentir une dépression (allant de modérée à sévère), et 21,1% souffrent d’anxiété.

D’autres résultats de l’enquête vont dans le même sens :

  • 36,6% des personnes sont évaluées en stress élevé, les femmes se situant à 42%
  • 11,3% des sondés ont émis des pensées suicidaires
  • 17,6% des sondés déclarent se sentir seuls
  • 1 sondé sur 5 renonce consulter un professionnel de santé mentale pour des raisons financières
La prise en charge de la santé mentale : une évolution inéluctable

Ces éléments confirment que la santé mentale est désormais une problématique de premier plan, la crise sanitaire et les confinements ayant généré des souffrances psychiques encore loin d’être cicatrisées, face à l’incertitude des temps qui courent. La question de la prise en charge des consultations et des soins touchant à la santé mentale s’est ainsi imposée dans le débat public.

Le 22 mars dernier, les complémentaires Santé se sont saisies du sujet, les trois fédérations de l’assurance (FFA, FNMF, CTip) proposant un forfait de quatre consultations auprès d’un psychologue, intégralement remboursées à hauteur de 60 € maximum par séance. Selon les chiffres de la FNMF, 512 000 adhérents ont bénéficié de remboursements de séances entre fin mars et le 31 août. L’effort de l’ensemble des mutuelles a été évalué à 55 millions d’euros.

Sept mois après cette initiative, le gouvernement a décidé d’inscrire dans le PLFSS 2022 la prise en charge d’un forfait de huit consultations, avec application d’un ticket modérateur de 40% sur le tarif des séances, assumé par les organismes complémentaires. Les séances devront avoir été prescrites par un médecin traitant.

Cette mesure inédite ne fait pas l’unanimité, notamment du fait que seuls les psychologues ayant accepté de signer une convention avec l’Assurance maladie pourront être référencés. Les psychologues intéressés pourront entreprendre cette démarche à partir de janvier 2022. Il est cependant à craindre que les volontaires manquent à l’appel, à en écouter Patrick-Ange Raoult, secrétaire général du Syndicat national des psychologues :« la majorité des syndicats envisage un boycott. Le dispositif met les psychologues au Smic, ce ne qui ne va pas en encourager beaucoup à le suivre. Les psychologues les plus qualifiés n’iront pas vers ce dispositif [qui reviendra] à faire une psychologie à bas coût, avec des psychologues peu expérimentés ».

En attente du verdict des Sages

Mais avant-même de pouvoir mesurer l’attrait des psychologues pour ce dispositif, encore faudrait-il que le projet de loi soit définitivement entré en vigueur. L’Assemblée Nationale et le Sénat n’ayant pas réussi à s’entendre, la chambre basse a eu le dernier mot en adoptant définitivement le projet le 29 novembre dernier. Mais le groupe des sénateurs Républicains, majoritaire au sein de la haute assemblée, a aussitôt saisi le Conseil Constitutionnel sur plusieurs points du texte. Ces derniers considèrent qu’un certain nombre de dispositions, notamment celles prévoyant des accès directs à plusieurs professions médicales ou paramédicales, n’ont pas leur place dans une loi de financement de la Sécurité Sociale. Ils contestent également la reprise de la dette hospitalière par la Caisse d’Amortissement de la Dette Sociale (CADES). Si le forfait de prise en charge des consultations chez le psychologue ne semble ainsi pas remis en cause par cette saisine, le fait est que cette procédure retarde la promulgation de la loi.

Quoi qu’il en soit, la prise en charge de la santé mentale par les organismes d’assurance-maladie ou les mutuelles semble en marche et difficilement remise en cause. Plusieurs complémentaires Santé ont annoncé maintenir leur propre dispositif proposé depuis mars dernier. Le président de MGEN Matthias Savignac confirme la poursuite de cette orientation : « La prise en charge des consultations psychologiques, expérimentée dès le printemps 2021, continuera d’être prise en charge en complément de la Sécurité sociale en 2022. ». Ce nouveau mécanisme pourrait ainsi se chevaucher avec les forfaits initiaux proposés par les mutuelles.

[1] Baromètre « Confiance & Bien-être » MGEN / Solidaris

Méthodologie : Étude réalisée par l’Institut OpinionWay auprès de 1 007 personnes interrogées par téléphone et via Internet, en septembre 2021.

[2] L’échelle de CANTRIL mesure la satisfaction par rapport à sa vie sur une échelle de 0 à 10.

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