« Permettre une auto-évaluation précise et simple du risque de chute »

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Insurtech France collabore avec l’Assurance en mouvement sur une série d’interviews de dirigeants d’Insurtechs. Nous avons échangé avec Hélène BREBANT, la Directrice Générale d’Age Impulse

Qui êtes-vous et quel est votre parcours ? 

Je suis Directrice Générale d’Age Impulse, start up porteuse de sens, qui développe un IoT disruptif permettant d’évaluer le risque de chute, connecté à une application mobile primée. Mon parcours professionnel a été à la fois marketing, commercial et entrepreneurial. Après HEC il m’a menée de la direction marketing du Champagne Pommery à la direction d’une Business Unit dans l’Assistance, en passant par le rachat et la direction d’une petite entreprise avec un associé.

J’ai ainsi eu la chance de connaître tant les très grands groupes, que les entreprises de taille moyenne et petite, pour mener à bien des projets complexes, qui sont ceux qui me font vibrer.

Je suis motivée à la fois par la qualité et l’ambition des projets et par les hommes, management, pairs, équipes et bien sûr les clients. C’est donc avec enthousiasme que j’ai rejoint Age Impulse pour une nouvelle et belle aventure !

Quelles sont vos passions ?

J’aime particulièrement apprendre et transmettre. Apprendre en étant curieuse de la vie et notamment de toutes les actions qui peuvent contribuer à une transformation de fond pour un monde meilleur. J’ai beaucoup voyagé en famille, avec à chaque fois le souci de rencontrer des personnes de culture différente, de découvrir l’histoire de pays qui n’ont rien de commun avec nos acquis occidentaux. Transmettre pour partager ce que j’ai appris, pouvoir échanger, faire grandir, avoir un point de vue autre que le mien. J’apprécie aussi, et j’en ai besoin, me ressourcer dans la nature, jardiner, marcher le long de la mer, écouter le chant des oiseaux et des insectes …

Quelle est la genèse de la création d’Age Impulse ?

Gabriel Dib, Président fondateur d’Age Impulse et entrepreneur en série engagé, a été confronté à des proches âgés qui ont été victimes de chutes ou même simplement de la peur de tomber, ce qui les a entraînés dans une spirale descendante dont ils n’ont jamais pu se remettre. C’est à ce moment-là qu’il a réalisé qu’il n’existait aucun dispositif de prévention permettant une auto-évaluation précise et simple du risque de chute, à la demande et sans intervention de professionnels qualifiés.

C’est pourquoi il a fondé Age Impulse pour développer un outil très simple et accessible à tous, qui permet d’évaluer le risque de chute et qui propose le moyen de le réduire, en reprenant sa forme en main, ou en agissant en rééducation, d’une manière ludique et personnalisée.

J’ai rejoint Age Impulse pour les mêmes raisons : j’ai vu ma mère chuter, se fracturer le bras et perdre ainsi son autonomie quotidienne. Elle n’a jamais remonté la pente. Je suis convaincu que toute action visant à prévenir les chutes et à maintenir une condition physique optimale est fondamentale pour préserver l’autonomie et la dignité des personnes fragiles.

Rappelons que dans le Plan National Antichute des personnes âgées du gouvernement, paru en 2022, l’inactivité physique et la peur de la chute ont été identifiés comme les deux premiers facteurs de risque de chute chez les personnes âgées. Ce sont ces deux sujets qu’adresse Age Impulse. Chaque année en France, 2 millions de personnes âgées de plus de 65 ans ou fragilisées chutent, occasionnant 130,000+ hospitalisations et 10,000+ décès, avec des conséquences physiques, psychologiques et sociales importantes, entraînant une perte d’autonomie, réduisant la qualité de vie et brisant des vies. Le Plan national Antichute évalue aussi l’impact des chutes sur les dépenses de santé (2Mds/ an pour la collectivité) et sur la dépendance.

Les Echos ont récemment rappelé dans leur dossier consacré à « La chute, ce fléau à ne pas prendre de haut » l’objectif des pouvoirs publics de réduire de 20% d’ici à 2024 le nombre de chute mortelle ou invalidantes des 65 ans et plus.

La population est vieillissante avec 2,4 millions de personnes supplémentaires de plus de 65 ans d’ici 2030. Il est donc plus que jamais urgent d’agir !

Quels sont les périmètres serviciels de votre insurtech ? 

Age Impulse intervient en prévention primaire et secondaire, en proposant une solution à destination des personnes fragiles et propose une solution à destination des personnes fragiles ou fragilisées (par exemple en sortie d’hospitalisation).

La solution est le fruit d’innovations scientifiques et techniques qu’Age Impulse a rendu accessibles à tous, via un IoT-Clip breveté, miniaturisé, non intrusif, non stigmatisant, connecté à une application mobile primée.

  • Le clip d’évaluation du risque de chute (industrialisation en cours) est un concentré de technologie. En seulement 15s de marche, il permet d’obtenir un score d’évaluation du risque de chute, tout comme un thermomètre mesure la température.

Le clip est connecté à l’application mobile qui communique le score et propose des actions en fonction du résultat.

Lorsque le risque de chute est faible, Age Impulse propose d’améliorer soi-même son état de forme : en l’adaptant à l’application mobile dotée d’une Intelligence Artificielle nous avons rendu accessible à tous une méthode de laboratoire française, fruit de 30 ans de recherche sur le vieillissement amélioré et autonome.

Lorsque le risque de chute est avéré, l’identification des marqueurs déficients de la marche (par exemple la cadence, la régularité, la puissance cranio-caudale) permet des exercices de rééducation ludiques et personnalisés avec le kinésithérapeute.

Et si le risque est important, d’autres actions devront être mises en œuvre, telles que l’intervention d’un ergothérapeute ou la mise en place d’un dispositif de téléassistance. Sur ce dernier point, l’évaluation objective du risque de chute pourra être d’une grande aide pour les aidants, afin de convaincre leurs proches de s’équiper d’un dispositif de téléassistance … et de ne pas le laisser sur la table de nuit.

  • L’application mobile Age Impulse, qui est actuellement disponible dans les stores fonctionne avec le clip mais peut aussi fonctionner seule.

L’application a été primée à Silver Economy Expo, sous le parrainage de la ministre de l’Autonomie. Age Impulse a été sélectionnée ainsi que 27 autres startups sur 500 candidats par la verticale Insurtech Europe de Plug and Play (l’accélérateur qui a accueilli Google, Paypal… à leur création), et est finaliste du Prix Silver Valley.

Utilisée seule elle permet en seulement 14 minutes de marche ou de course, de connaître son âge physiologique par rapport à ses pairs, grâce à un puissant indicateur agrégé appelé VO2max, directement liée à l’espérance de vie en bonne santé/ sans incapacités. Avec plus de 140 publications scientifiques à son actif, la bonne nouvelle est que cette méthode démontre, qu’à tout âge, il est possible d’améliorer son état de forme et son âge physiologique. Un exemple inspirant est celui de Robert Marchand, coaché par cette méthode, qui était en meilleure forme à 105 ans que la plupart des quinquagénaires et qui a battu ses propres records du monde de vélo à 100, 103 et 105 ans.

L’amélioration est rendue possible grâce à un programme d’exercices personnalisés et évolutifs, de seulement 3 sessions de 30 minutes par semaine, générés par l’application. Ces séances alternent des niveaux d’effort facile, moyen et soutenu, basés sur votre perception de l’effort plutôt que sur la performance, évitant ainsi les blessures et le sentiment d’échec. Et augmenter le VO2max de 10 à 15 % peut potentiellement ajouter 10 années de vie supplémentaires de bonne qualité.

L’amélioration se mesure ! Il est extrêmement gratifiant et motivant de voir son âge physiologique diminuer.

L’application Age Impulse utilisée seule est particulièrement adaptée aux personnes de 45/50 ans et plus, qui ressentent une baisse de forme, sont fragilisées (problèmes de santé, sorties d’hospitalisation), qui se rapprochent de la retraite ou sont à la retraite.

L’appli seule est donc très pertinente dans le cadre de contrats santé en collective, notamment dans le cadre de la réforme de la retraite et de l’attention portée aux seniors dans l’entreprise, mais aussi pour les sorties de groupe et les contrats individuels seniors. Elle est actuellement commercialisée en inclusion de contrats santé.

Quels sont vos constats actuels de l’assurance ?

L’assurance de personnes donne encore une place prépondérante au curatif plutôt qu’au préventif qu’il soit primaire, secondaire ou tertiaire. Tous les assureurs reconnaissent les bienfaits d’une approche en prévention et des efforts sont entrepris pour l’inclure dans les contrats santé, mais avec un investissement en termes de coût qui reste encore trop limité au regard des cotisations santé globales.

Chacun s’accorde sur la nécessité d’inclure des services dans les offres de soins, ne serait-ce que pour se différencier en terme concurrentiel, mais aussi pour enrichir des offres qui se standardisent. Mais à l’heure de la stricte règlementation sur les complémentaires, du contrat responsable et du 100% santé, à laquelle s’ajoute la tension sur le pouvoir d’achat, la sensibilité tarifaire est telle sur les contrats santé que toute tarification supplémentaire, notamment en collective, demande à être dûment justifiée. La tarification des services proposés doit donc être appropriée, avec des statistiques et des retours d’informations pertinents.

Votre vision des évolutions du secteur ?

Le secteur évolue lentement sur le sujet de la prévention, en tentant notamment de sensibiliser et d’accompagner les entreprises.

Celles-ci sont pour la plupart convaincues sur le principe, et commencent à considérer l’ajout de coûts raisonnables pour améliorer l’état de santé de leurs collaborateurs.

La prévention va devenir une nécessité avec la réforme des retraites et le maintien en activité jusqu’à 64 ans, qui va impacter tant la prévoyance que la santé.

Quelles sont vos convictions ?

De façon générale, l’impulsion sur la nécessité de la prévention doit venir des différentes parties prenantes : en premier lieu les pouvoirs publics via la Sécurité sociale, mais aussi les entreprises et les complémentaires santé. Il faut arriver à changer le regard porté sur notre système de soins : prévenir plutôt que guérir.

Pour faire évoluer ce regard, il est aussi indispensable d’effectuer un important effort de communication tant auprès des salariés que  du grand public, pour insister sur les aspects bénéfiques de la prévention, et ne pas rester sur la seule prise en charge des soins. En France en 2020, les dépenses en soins préventifs ne représentaient que 2.8% des dépenses de santé vs 6.1% au Royaume Unis 5.6% en Finlande par exemple (source OCDE).

Il convient aussi d’insister sur le fait que la prévention est un sujet plus particulièrement important pour les seniors, y compris pour les seniors 50+ qui sont en activité, en sachant que les premières difficultés de santé arrivent fréquemment à partir de cet âge.

Le rapport Libault en 2019, le Plan National Antichute, démontrent la récente volonté des pouvoirs publics de faire bouger les lignes.

De plus, la cour des comptes a chiffré à 1,5 Mds/ an l’économie réalisée par l’assurance maladie pour une année de vie de la population  gagnée sans incapacité. (Incapacité SRVC, qui mesure le nombre d’années qu’une personne peut compter vivre sans souffrir d’incapacité dans les gestes de la vie quotidienne).

Aujourd’hui en France la moitié des 55-64 ans sont en emploi et un tiers pour les 60-64 ans. Du fait de la réforme des retraites, l’objectif de maintien et de retour à l’emploi des seniors fait désormais partie des priorités gouvernementales. Le groupe L’Oréal et le Club Landoy, think tank dédié à la transition démographique, ont ainsi sensibilisé 32 grands groupes au recrutement des seniors, à leur formation, à leur maintien dans l’emploi et à leur accompagnement.

La pénibilité, une vie professionnelle précoce, la fatigue du corps sont des constats importants à prendre bien entendu en compte. Une visite médicale de mi-carrière a été introduite par la loi santé au travail l’été dernier.

Mais qu’en est-il de l’état de forme dû à la sédentarité et au manque d’activité physique qui sont reconnus pour être un déterminant majeur de la santé, notamment pour les seniors ? Le temps passé assis est de 12h les jours travaillés et de 9h les jours non travaillés. Un adulte sur trois combine un manque d’activité physique et une sédentarité trop importante. Ce problème a été amplifié lors des confinements. L’impact sur la santé, plus particulièrement sur celle des seniors, est important.

Il est donc indispensable d’apporter une attention particulière à la prévention chez les seniors, tant chez les seniors les plus âgés, avec notamment la prévention des chutes, que chez les jeunes seniors, en favorisant leur maintien en forme.

Vous faîtes partie d’Insurtech France*, l’association de la tech et de l’assurance. Quel est son apport pour les acteurs du secteur ?

L’association fédère des acteurs d’un même écosystème qui peuvent s’entraider sur certains sujets communs (RGPD, LCB-FT …) et se rencontrer lorsque des synergies émergent.

En outre l’association organise régulièrement des évènements participatifs, en lien avec les acteurs de l’assurance, et noue des partenariats permettant par exemple de proposer des tarifs attractifs sur certaines manifestations.

Enfin de façon plus globale l’association donne aux membres d’Insurtech France de la visibilité auprès des acteurs du domaine et auprès des supports de communication spécialisés.

* Voir interview de Pierre Bonodot, secrétaire général d’Insurtech France.

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